Historique

Bourganeuf du Xlle au XVe siècle

Bourganeuf a été fondé au Xllème siècle par un ordre à la fois religieux et militaire, issu des Croisades : les Hospitaliers de St Jean de Jérusalem. Plus tard, on les appellera Chevaliers de Malte, lorsque Charles Quint les aura installés dans cette île méditerranéenne.

C'est donc au Xllème siècle que les Chevaliers Hospitaliers de St Jean édifièrent, sur l'actuel emplacement du « château », une première construction, grand établissement où ils héber­geaient pèlerins et voyageurs. Autour de cette « maison » se groupèrent des paysans et des marchands, et la cité grandit peu à peu. L'emplacement choisi n'était pas fortuit, puisqu'il se situait au carrefour de la voie qui, depuis des siècles déjà, reliait Lyon à l'Océan Atlantique, et d'un chemin « nord-sud ». peut-être bretelle de l'un de ceux qui menaient à St Jac­ques de Compostelle, peut-être aussi chemin antique.... Sur cet emplacement privilégié pour l'époque, la cité a belle al­lure. Commanderie des hospitaliers, elle va être choisie en 1313 comme chef-lieu du Grand Prieuré de la Langue, ou Na­tion d'Auvergne.

Très vite, au-delà de la ville ceinte de murailles, des « faux-bourgs » s'étirèrent en forme de croix vers les quatre points cardinaux. Dans les remparts, quatre portes permettaient l'ac­cès à l'ancienne cité : porte du Puy, de l'Arrier, du Colombier, du Billadour. En 1619, les portes de « l'Arrialh » et du Billadour furent fermées et murées pour raisons de sécurité. Il est difficile aujourd'hui d'imaginer le pouvoir et l'impor­tance du Grand Prieuré, dont l'autorité s'étendait sur l'Auver­gne, la Marche, le Limousin, le Velay, le Berry, le Bourbon­nais, le Forez, le Lyonnais, le Beaujolais, et jusqu'à la Sa­voie.. . Le Grand Prieur était aussi seigneur de Bourganeuf, et. dès le XIIIème siècle, un château ayant été construit à sa convenance, un premier Grand Prieur d'Auvergne vint se fixer en ces lieux.

Autre illustre chevalier, Jean de Lastic, élu Grand Prieur en 1427. fit construire la tour d'angle qui depuis garde son nom. (L"Office de Tourisme occupe aujourd'hui le rez-de-chaussée de cette tour ; le bureau du Maire est au premier étage.) Au XVéme siècle, le plus illustre des Grands Maîtres de l'Ordre fut Pierre d'Aubusson. né en 1424 au château du Monteil au Vicomte Grand Prieur d'Auvergne, c'est lui qui. face au puissant Empire Ottoman, transforma l'île de Rhodes, posses­sion des Chevaliers en une redoutable forteresse. Bourganeuf était alors « ville consulaire ». ces villes étant nombreuses en pays de Langue d'Oc. Chaque année, au jour commémorant la naissance de St Jean Baptiste, les habitants s'assemblaient pour élire leurs « consuls ». Deux étaient ainsi désignés, les deux autres laissés au choix du Commandeur.

Le prince Zizim

Évoquons maintenant ce prince ottoman qui, en réalité, s'ap­pelait Djem, et avait pour surnom Zizim, fils de Mahomet II (le vainqueur de Constantinople). Quelle aura été la destinée de ce jeune prince puissant, pour qu'il parvienne un jour, sous bonne escorte, au Chef-Lieu du Grand Prieuré d'Auvergne ? C'est la mort de son père qui va décider du sort de Zizim. En 1481. Djem et son frère Bajazet tentent d'accéder par la force de leurs armées respectives à la succession du Grand Sultan, et Zizim sort vaincu de cet affrontement. Sa vie est alors en danger, ce qui l'amène à demander asile aux Chevaliers de l'île de Rhodes.

Il obtient satisfaction et, le 20 juillet 1482, il fait l'objet d'une solennelle réception dans l'île.

La requête de Zizim n'a pas été pour les Chevaliers une de­mande banale, dont dépendait uniquement sa survie. Grande figure de l'Islam, ce prince est un otage précieux. Sa présence inattendue dans le monde chrétien va obliger à la prudence l'un et l'autre camp.

Bajazet s'engage à ne pas attaquer Rhodes, et à verser une somme annuelle de 40 000 ducats pour l'entretien de Zizim. Quand aux Chevaliers, ils se déclarent prêts à veiller à ce qu'aucun complot ne soit ourdi contre Bajazet le 2emc. Royal otage des Chevaliers. Zizim ne se sent pas en sécurité à Rhodes. Parce qu'il craint le poignard et le poison des émis­saires de son frère, il obtient de quitter l'île...

Le 15 octobre 1482. la grande Nef du Trésor avec, à son bord, le prince, sa suite, et quatre Chevaliers, aborde à Villefranche. possession des Ducs de Savoie, rade proche de Nice. A partir de là. pendant des mois et des mois, ce sera la longue errance, coupée ça et là de haltes assorties de somptueuses réceptions, jusqu'à l'arrivée au Chef-Lieu du Prieuré d'Auver­gne, sous la conduite vigilante du Chevalier Guy de Blanche-fort, neveu de Pierre d'Aubusson (demeuré à Rhodes). La tour Zizim n'est pas encore construite. Le prince séjourne successivement au château de Monteil au Vicomte, puis à Morterolles (Commune de l'actuelle Haute-Vienne), et enfin au château du Bois Lamy, près de Moutier Malcard. Il est difficile, impossible sans doute, de restituer la réalité du personnage de Zizim, tant le sujet aura prêté à contradiction Paolo Giovio et Balthazard Castiglione le décrivent : «... d'aspect physique imposant et royal, très savant dans les lettres anciennes, et prompt aux réparties spirituelles et mor­dantes... »

A Bourganeuf, dans cette tour fortifiée dont il fut le premier résident il aura amené quelques uns de ses trésors, des femmes esclaves, quelques compagnons d'infortune, un imam, deux agas, et une vingtaine de serviteurs. En terre ottomane sont restés son épouse, sa mère et ses enfants. Son séjour au Grand Prieuré se sera toujours fait sous haute surveillance ; on redoute des émissaires de Bajazet, ou les tentatives de rapt que pourraient ourdir certains.

Tout aussi controversées sont les raisons qui firent que Zizim quitta la grosse tour bourganiaude. appelé auprès du Pape Innocent VIII. Mr l'abbé de Vertot. de l'Académie des Belles Lettres, nous dit que c'est à la suite d'un traité conclu entre le Grand Maître de l'Ordre et le Pape, et aussi avec l'accord du Roy Charles VIII. qu'en novembre 1488. le Prince exilé aurait quitté la France...

Concluons simplement en disant qu'il mourut à Naples. probablement le 24 février 1495. d'un mal subit et demeuré secret ...

Le château

Au XVème siècle il comprend : au centre, une grosse tour carrée, corps de logis, à laquelle est accolée la tour Lastic. Une épaisse muraille supportant un chemin de ronde, reliait la tour Lastic à la tour de Zizim. On voit encore, à mi-hauteur. le relief de la porte qui permettait l'accès à la tour du Prince. Mâchicoulis et barbacanes rendaient l'assaut de l'enceinte difficile à d'éventuels visiteurs indésirables. La silhouette finement travaillée de la chapelle des Chevaliers, avec sa croix byzantine et son svelte clocher, se détachait élégamment de l'ensemble. La chapelle est devenue l'église paroissiale St Jean.

L'actuel mail du château planté de tilleuls était alors un glacis Au-dessous, l'eau tranquille et dissuasive d'un vaste étang recouvrait l'actuelle place de « l'Étang »

La tour de Zizim

La construction de cette tour ronde aux cinq étages fut entreprise après que Zizim se soit placé à Rhodes, sous la protection des Chevaliers. Elle coûta 3500 ducats. Depuis, la tour défie le temps, muette et majestueuse. Ses douves ont été com­blées ; les murs de 2 m 80 d'épaisseur sont percées de meurtrières. Les mâchicou­lis du sommet permettaient d'en surveiller la base.

Elle ne fut pas prison, mais somptueuse maison d'exil. L'historien turc Saad Ed-dyn aurait fourni des précisions sur son aménagement intérieur au XVème siècle : Au dessus de la cave contenant un puits se trouvaient les cuisines. A l'étage supérieur se trouvaient les chambres des serviteurs. Au-dessus, les appartements du prince occupaient deux étages. Tout en haut étaient les logements des Chevaliers préposés à la garde du prince.

Autour de l'ensemble du château et de ses tours, un tracé circulaire de rues aux noms évocateurs, indiquent l'emplacement des anciens remparts. Ces rues s'appellent ou s'appelèrent :

o    Rue des fossés du Puy.

o    Rue des fossés du Midi, aujourd'hui rue M Deprez. o    Rue des fossés du Billadour.

Au sommet de la rue des fossés du Puy, une tour isolée est le plus important vestige des murailles médiévales.

A l'Office de Tourisme, on peut consulter l'album de photos « Pierres Secrètes », qui met en évidence ce passé médiéval. Cet édifice fut construit en 2 ans, délais très court pour l'époque. Il est parvenu jusqu'à nous en bon état de conservation, mais depuis quelques années, des lézardes,  des fissures ont été observées sur les maçonneries extérieures et intérieures.

Il y a deux ans, un claveau de la voussure arrière d'une baie du 1er étage s'est détaché et il a fallu poser des étais.

La Direction Régionale des Affaires Culturelles alertée a fait réaliser une étude sur l'état sanitaire de l'immeuble. Il ressort de cette étude un ensemble de causes cumulées à l'origine des désordres.

•les charges de la charpente sont irrégulièrement réparties en linéaire sur le parement intérieur des murs et sur le remplissage de ceux-ci (gonflements, fissures,..)

•La superposition sur des axes verticaux de fenêtres ou de cheminées sont des points de fragilité de la structure générale (dislocation des linteaux)

•D'autre part, cette construction n'ayant pas pour l'époque l'objectif d'être un ouvrage de défense, il est probable que les deux parements du mur extérieur (2.80m d 'épaisseur en moyenne) soient sépares par un remplissage hétérogène de terres et de pierres.

•En résumé et en exagérant, sous la pression importante des descentes de charges le hourdage des murs se vide par les fissures.

 

Diamètre de la tour : 14,50 m

Hauteur sous toiture: 18,50 m

Poids total: 5000 tonnes

Coût de construction en 1490: 10 000 francs

Quelques dates et chiffres:

· 1484-1486: construction de la tour

· 1486-1488: séjour de Zizim

· XIX siècle: la tour est utilisée comme prison

· 1850: réfection couverture en ardoise

· 1977: réfection de la couverture en tuiles plates